Je chasse le chevreuil depuis maintenant 3 ans, ce qui fait de moi encore une néophyte en la matière. Il faut dire qu’historiquement, il n’y avait jamais eu de chevreuils en quantité suffisante pour espérer pratiquer cette chasse sur nos terres. Toutefois, les choses ont changé avec les années et j’ai eu la chance de le constater lors de mes expéditions à l’orignal où je pouvais voir de plus en plus de chevreuils et d’indices de leur présence.
J’ai donc commencé mon initiation au chevreuil avec un nombre important de lectures et de visionnements afin de me familiariser avec ce nouveau gibier. J’ai également pu profiter de nombreuses discussions avec des passionnés de différents horizons grâce aux réseaux sociaux.
Voici une incursion dans ma troisième saison de chasse au chevreuil.
Annuellement, ma saison de chasse au gros gibier débute au printemps par l’aménagement de mon territoire. Dès 2018, j’ai procédé à l’identification des différentes zones de circulation, de couchage, de garde-manger ainsi que de toutes les zones propices à la fréquentation de chevreuils. Depuis, je vérifie le tout à chaque saison et j’essaie de créer et d’entretenir des corridors dégagés pour la circulation afin de la diriger aux endroits voulus (saline, appâts, mirador, cache au sol). Ceci permet d’assurer des lignes de tir exemptes d’obstacles et de diriger le gibier subtilement vers certains secteurs.
J’installe ensuite ma saline. Pour les chevreuils, depuis le printemps 2020, il interdit d’appâter avant le 1er septembre, à l’exception des substances minérales. Heureusement, mon secteur regorge d’aliments naturels qui seront exploités au maximum par la population en place. En plus de mes minéraux, j’installe des caméras afin de faire l’inventaire de ma population.
Depuis quelques années, nous avons la chance d’avoir des caméras cellulaires qui peuvent envoyer directement les photos sur nos appareils, ce qui facilite la gestion et évite les allers-retours fréquents sur les sites (surtout en période pandémique). Personnellement, je préfère toujours les caméras en mode vidéo afin de bien comprendre la circulation des animaux ainsi que les dynamiques entre eux. Je prépare également un document Excel dans lequel je collige l’ensemble des allées et venues en détaillant le sexe de l’individu, la température ainsi que des données sur les mouvements (provenance et destination). Plus les mois avancent, plus j’essaie d’identifier des habitudes dans leurs visites.
Le début de septembre marque l’accélération de l’action et surtout le début de l’appâtage. Encore une fois, mes lectures, notamment celles sur le comportement des chevreuils écrites par nos voisins américains, m’ont amenée à favoriser l’utilisation de glands de chênes. Il s'agit d'un aliment de choix pour les cervidés et ils semblent grandement l'apprécier. En addition, j’ajoute toujours différents coulis aux fruits, de la farine et de la confiture de glands de chêne, quelques pommes du jardin et des minéraux. Plus les semaines vont avancer, plus j’ajouterai d’appâts, notamment des carottes. Mon but n’est pas de coincer les chevreuils dans le secteur de ma saline, mais plutôt de créer un environnement idéal qui amène les femelles à y rester.
Celles-ci deviendront les attractifs naturels ultimes pour les mâles en période de rut. Mes salines et appâts offrent également des minéraux et des aliments qui seront bénéfiques pour celles-ci durant l’hiver.
Cette année, en plus de mes préparations habituelles de cache au sol, j’ai décidé de vaincre ma peur des hauteurs et d’installer un mirador. Cette nouvelle position me permettra d’avoir une vue plus grande sur mon territoire et de mieux dissimuler mon odeur. Je l'ai placé près de mes appâts, et ce, après un examen minutieux de la topographie (une position surélevée), du vent (toujours un vent de face), du soleil (il ne doit pas m'aveugler) et des arbres sains du secteur (la sécurité d'abord).
Pendant la semaine précédant l’ouverture, je veille également à utiliser des produits corporels inodores afin de neutraliser le plus possible mon odeur tout en lavant mes vêtements et équipements avec du savon à lessive à odeur de sapin, le but étant toujours de passer inaperçue olfactivement.
La chasse au chevreuil à l’arbalète dans la zone 27 ouest est officiellement lancée. Ma première journée se passe assise dans mon mirador à observer et à écouter. La journée est relativement tranquille outre les visites continuelles des écureuils et des pics mineurs. La soirée me réserve toutefois une incroyable surprise.
Depuis le mois de septembre, je n’avais sur mes caméras que des vidéos de femelles! Cinq belles femelles dont une jeune de l’année, mais aucun mâle. Il faut savoir que ceux-ci arrivent généralement pour l’Halloween. Ils sont plus précis qu’un coucou suisse! Quelle fut ma surprise (malgré tout) de voir sur mes cartes 2 mâles… et pas n’importe lesquels. Deux matures! C’est donc gonflée à bloc que je me préparais à me lancer dans 8 autres jours de chasse intense.
La chasse, c’est un peu comme le travail d’un policier. On doit examiner avec soin l’ensemble de nos scènes et y déceler la moindre présence de gibier. Ces traces peuvent notamment comprendre :
Des grattages, soient des marques au sol laissées par un mâle afin de communiquer et probablement intimider les autres mâles du secteur. Il s’agit de terre remuée dans laquelle le chevreuil dépose ses urines. Il prend également soin de gratter avec son panache une branche située au-dessus du grattage afin de laisser ses odeurs (glande pré orbitale).
Des frottages, soient des marques laissées sur des troncs d’arbres par les bois du chevreuil mâle afin de marquer son territoire en déposant son identité (glandes frontales).
Grâce à une période de chasse fine en début de semaine, j’ai pu découvrir une ligne de grattages naturels située plus au sud de mon secteur traditionnel. Sans hésitation, j’ai décidé de provoquer le mâle en question (sans connaître son identité) en grattant dans ceux-ci et en ajoutant un leurre sexuel et un extrait de glandes pré orbitales sur les branches au-dessus.
L’attente n’a pas été longue, le surlendemain un des mâles dominant capté à ma saline venait prendre connaissance des odeurs laissées par mon stratagème.
Le reste de la semaine fût donc dédié à tenter de le déjouer par des séances d’appels (appels de femelles en chaleur et de mâles) ainsi que des séances de « rattling ». Malheureusement, sans succès. Jamais ne n’ai pu voir de proche ou de loin en personne ce géant ainsi que son congénère capté précédemment sur mes caméras.
9 jours de chasse, c’est peu. Surtout lorsqu’on considère que la récolte de femelles est interdite dans ma zone (sauf en tirage) et que la pression est grande (mes voisins de terre ont récoltés 3 « bucks » dans les premières journées.
La chasse est une question de préparation, de patience, mais également de « timing ». Il faut être au bon moment au bon endroit (ou que le gibier le soit lorsqu’on essaie de l’appeler). Chose certaine, mon secteur se porte bien avec la présence de plusieurs belles femelles qui, espérons-le, donneront naissance au printemps à une multitude de petits faons.
Je remercie encore notre terre pour la chance qu’elle nous offre à chaque année de participer nous aussi au grand cycle de la nature. Je serai là l’an prochain et j’espère que mes apprentissages de cette année me permettront de déjouer cette fois ce roi de la forêt.
On se revoit au petit gibier!
Pour un compte-rendu jour par jour de ma saison 2020, vous pouvez me suivre sur ma page Facebook ainsi que sur mon compte Instagram.
Jade est une passionnée de chasse, de nature et de gastronomie. Sa passion l'amène à poursuivre le lièvre et la perdrix, automne comme hiver, à attendre patiemment l'original et le chevreuil en octobre et novembre et à partager cet amour autour de bons repas. Vous pouvez suivre ses aventures sur Facebook et sur Instagram !
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